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BLOG emilie arfeuil photographe
25 septembre 2011

RELIQUES: Aurore

Depuis le mois d'Août, je travaille sur une nouvelle série intitulée "Reliques". J'ai réalisé un portrait par jour d'un résident en maison de retraite en lui demandant de me parler de l'objet qui lui tient le plus à coeur, dans différentes maisons entre Marseille, Montpellier et Clermont-Ferrand.

Ce projet a pour but de mettre en valeur la part indestructible de mémoire et d’intimité de l’être humain qu'il conserve jusqu‘en fin de vie dans des conditions plus ou moins hostiles. Malgré la dépendance physique, la vieillesse et le détachement matériel qui accompagne ceux qui vivent en maison de retraite, la mémoire résiste à travers peu de choses, un simple objet qui rappelle des souvenirs et auquel on se raccroche.

J'ai pris le temps d'un vraie rencontre et d'un partage avec des personnes incroyables et si différentes. Voici un extrait de cette nouvelle série.

 

AURORE
Née en 1920 à Rome, en Italie.
En résidence à Montpellier depuis 2011 avec son mari gravement atteint de la maladie de Parkinson. Elle est atteinte de cécité totale depuis 2009. Ils sont totalement dépendants tous les deux.


coulin (3) [1600x1200]
    Aurore est une personne très pudique, à la verve posée et cultivée. Malgré sa cécité, son intérieur est meublé avec soin et goût, avec une grande sobriété.
    Elle est d’une pudeur telle qu’il faudra beaucoup de temps pour qu’elle me montre ce qui finalement se révèle comme la chose la plus importante pour elle. « Si vous voulez je peux vous montrer mon portrait, si vous voulez voir quelque chose d’intéressant. Un portrait de moi quand j’étais jeune, au moment de ma splendeur. Mais ça c‘est une histoire très personnelle, je ne peux pas vous en parler, ce ne serait pas très gentil pour mon mari. » Après lui avoir promis de ne pas diffuser ce texte dans la maison de retraite où ils résident, elle se confie à moi. « C’était une belle histoire d‘amour, nous avions beaucoup d’affinités, de fantaisie. Mon mari était très jaloux, c’est lui qui m’a obligé à le quitter. » Avec lui, elle fréquente l’école de Paris, les vernissages et salons parisiens, dont celui de Marie-Louise Bousquet, où elle rencontre, entre autres artistes, Salvador Dali ou Jean Cocteau. Chez elle, elle garde encore des tableaux de Fontanarosa, et des dessins du sculpteur Volti. 
    Mère célibataire à 30 ans, elle choisit la sûreté et celui qui est toujours son mari. « Il fallait choisir la sécurité, et pour ma fille c’était nécessaire. J‘aimais mon mari, mais ce n‘étais pas du tout la même chose. Ma passion pour les Arts, c’est quelque chose que je n’ai pas du tout partagé avec mon mari. Lui ça ne l‘intéresse pas du tout. Il aime bien les formules 1 et les émissions techniques. (…) Pour tout vous dire, j’aurais aimé garder les deux, voyez comme je suis amorale… Mais mon mari était très jaloux alors que l’autre avait l’esprit plus large. (…) Me voir parler comme ça me sidère, surtout dans cette ambiance ici! »
Pourtant le tableau lui est toujours là, dans le salon matrimonial, plus de 60 ans plus tard. « Il a gagné en quelque sorte, il n’a plus à être jaloux maintenant. Mais j‘en valais la peine, non? »

coulin (2) [1600x1200]

coulin (1) [1600x1200]

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